À Nantes, une policière en civil accompagne les victimes LGBT +
Depuis plusieurs années, Christèle Cheval est présente au commissariat de Nantes pour aider les victimes LGBT + « à pousser la porte du commissariat » et « sensibiliser » ses collègues.
Il y a quelques semaines, Christèle Cheval tombait sur son numéro de téléphone inscrit sur le mur des toilettes d’un théâtre nantais. « La preuve que mon rôle commence à être connu », sourit-elle. Pourtant, elle n’est pas nouvelle dans la maison : 34 ans dans la police, dont 17 à la délégation d’aide aux victimes. Depuis sept ans, elle est aussi référente LGBT + (lesbiennes, gays, bis, trans, etc.) au commissariat de Nantes.
Un poste créé en 2018, par le ministère de l’Intérieur de l’époque Christophe Castaner, pour « soutenir les policiers chargés de recueillir des plaintes ou de traiter des procédures en lien avec l’orientation sexuelle ou l’identité de genre des victimes ». En 2023, la France comptait 167 référents départementaux et 524 référents locaux. Si, ailleurs, cela se résume parfois à une ligne sur un CV, à Nantes, Christèle Cheval prend son rôle très à cœur.
Elle n’a pourtant reçu aucune formation à sa prise de poste, malgré les promesses de l’époque. Il faudra attendre octobre 2023 pour qu’elle participe enfin à une visioconférence de quelques heures réunissant tous les référents de France, à l’initiative de l’association Flag !, qui regroupe des policiers LGBT +. Comme beaucoup, elle s’est donc formée sur le tas.
« Faciliter l’accès au commissariat »
Première mission : épauler les victimes d’actes LGBTphobes, en « facilitant leur accès au commissariat, pour le rendre plus doux et moins difficile ». Parfois, elle va physiquement chercher certaines d’entre elles à l’accueil, pour les accompagner. « Elles peuvent avoir peur d’être jugées ou maltraitées », constate la policière. Pour « ne pas les intimider », elle porte d’ailleurs une tenue civile. Le jour de notre rencontre, un sweat gris à capuche et un pantalon noir.
Dans son bureau, elle reçoit régulièrement des victimes, souvent avec une psychologue ou une assistante sociale. Des entretiens d’environ 1 h 30 « dans la bienveillance et sans jugement », où elle prépare et rassure le plaignant avant ou pendant la procédure. « L’idée, c’est de réduire l’écart entre la froideur du Code pénal – déjà atténuée par le lien humain avec le policier – et des victimes pleines d’émotion, parfois apeurées », résume Anne-Claire Garros, psychologue clinicienne du commissariat.
Référente pour les victimes, mais aussi pour ses collègues. Entre deux portes ou sur la pause déjeuner, elle va « expliquer la différence entre orientation sexuelle et identité de genre » ou « la notion de mégenrage (¹) ». « Elle nous apporte beaucoup, confirme Anne-Claire Garros. Tant sur le vocabulaire que pour faire le lien entre les policiers, les associations et les victimes ».
Des trous dans la raquette ?
Sur le plan juridique, elle sensibilise aussi à l’importance de « retenir la circonstance aggravante, quand ça se justifie ». Car les peines peuvent être alourdies en cas d’infraction liée à l’orientation sexuelle ou à l’identité de genre. « C’est aussi une reconnaissance symbolique importante », insiste Anne-Lise Céran, coprésidente de l’association LGBT + nantaise Nosig.
Évidemment, tout n’est pas parfait. « Il y a déjà eu quelques incidents (au commissariat, ndlr), car ce n’est pas toujours évident à qualifier », reconnaît Christèle Cheval. Quel genre d’incidents ? La policière ne donne pas plus de détails, mais Anne-Lise Céran affirme que la circonstance aggravante n’est « retenue qu’une fois sur deux » et que les victimes sont « très souvent incitées à déposer une main courante plutôt qu’une plainte ». « Parfois, ça se passe très bien, parfois non. Alors on doit sans arrêt se battre ».
La psychologue Anne-Claire Garros confirme qu’il « peut y avoir des maladresses dues à une méconnaissance ou des préjugés ». Ces situations sont ensuite discutées collectivement, « pour éviter de stigmatiser un collègue ».
La coprésidente de Nosig admet que la situation s’est améliorée ces dernières années et salue l’implication de Christèle Cheval. La policière est aujourd’hui seule à gérer ce poste, tout en suivant aussi les femmes victimes de violences sexistes, sexuelles ou conjugales. Un travail de longue haleine donc, mais elle reste optimiste. « J’ai vu une vraie amélioration au fil des années, notamment sur la transidentité, se réjouit la policière. La société évolue et la police doit évoluer avec elle. »
(¹) Le fait d’attribuer à une personne, volontairement ou non, un genre dans lequel elle ne se reconnaît pas.
Ouest-France - Youen TANGUY - Publié le 21/04/2025 à 19h00