Insultes, menaces, crachats… SOS Homophobie s’inquiète d’une « dégradation du climat ambiant »
L’association dresse un panorama des LGBTIphobies en France. Alors que ce samedi 17 mai marque la Journée mondiale contre l’homophobie et la transphobie, elle s’inquiète d’une « parole haineuse » qui se fait entendre « plus que de raison ».
Ce sont des insultes, des menaces, des crachats, mais aussi des coups… Dans son rapport annuel rendu, public jeudi 15 mai, deux jours avant la Journée mondiale contre l’homophobie et la transphobie, SOS Homophobie s’inquiète d’une « dégradation du climat ambiant » au cours de l’année 2024, qui a alimenté les discriminations subies par les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transsexuelles etc.
Un constat confirmé par les chiffres officiels publiés le même jour. Le ministère de l’Intérieur a recensé 4 800 infractions l’an dernier, dont 3 100 crimes ou délits, en hausse de 7 %, et 1 800 contraventions. Les infractions contre les lesbiennes, gays, bi et trans ont augmenté chaque année de 15 % en moyenne, sur la période 2016-2023.
« Parole haineuse décomplexée »
Pour sa part, SOS Homophobie a recueilli 1 571 témoignages en 2024 (contre 2085 en 2023 et 1506 en 2022) via sa ligne d’écoute, son chat ou par courrier. « La parole haineuse s’est fait entendre de façon décomplexée et banalisée, s’inquiète la présidente de l’association, Julia Torlet, en introduction du rapport. Sur les réseaux sociaux, dans les conversations quotidiennes… Mais surtout dans la bouche de personnalités publiques, souvent politiques, relayées par des médias complaisants toujours trop prompts à se saisir d’une nouvelle panique morale ». En toile de fond, « un climat national et international réactionnaire », marqué « par la montée de la droite et l’extrême droite », analyse le rapport annuel.
La LGBTIphobie s’exprime beaucoup sur les réseaux sociaux, mais aussi dans la rue, au travail, ou en famille. Nour, qui a témoigné auprès de SOS Homophobie, a subi les brimades de son beau-père, pour qui sa sexualité « n’est pas faite pour la nature ». Marwann, drapeau LGBT en main au retour d’une manifestation, a été insulté puis violemment frappé. « Va brûler en enfer », lui ont lancé ses agresseurs.
La part des sexualités minoritaires augmente
Les minorités sexuelles sont pourtant plus nombreuses depuis le début du XXIe siècle. « Entre 2006 et 2023, la part des sexualités minoritaires (homo, bi, pan ou asexualité) a été multipliée par cinq chez les personnes de 18 à 29 ans, passant de moins de 3 % à 15 % », rapportent des chercheurs dans l’ouvrage collectif « La sexualité qui vient, jeunesse et relations intimes après #MeToo » (Éditions La Découverte 2025), dirigé par la sociologue Marie Bergström. Plus visibles dans l’espace médiatique, les homos, bi etc. sont davantage reconnus socialement, notamment sous l’impulsion du mouvement #MeToo, qui a critiqué la norme hétérosexuelle comme système « favorisant les rapports de domination et les violences des hommes sur les femmes, surtout dans les sphères intimes ». L’augmentation des minorités sexuelles est d’ailleurs plus marquée chez les femmes.
« Mais la reconnaissance juridique et l’acceptation de principe accrues des sexualités minoritaires au cours des dernières décennies s’accompagnent-elles d’une meilleure santé mentale des jeunes homos, bi et pansexuels [personnes qui peuvent être attirées par un individu indifféremment de son sexe ou genre, NDLR] ? La réponse est plutôt non », écrivent encore les chercheurs. En cause ? Notamment « les discriminations que subissent les personnes homos, bi et pansexelles dans le cadre de leurs rencontres ».
L’appel à témoignages lancé par Ouest-France sur les réseaux sociaux illustre, hélas, la prégnance de ces discriminations. Non seulement en raison des témoignages de victimes qui s’y expriment, mais aussi des réactions homophobes que cet appel a générées en commentaires. Sam (prénom d’emprunt) a 19 ans. Homosexuelle, elle raconte avoir reçu « des messages de haine, des moqueries, et parfois même des menaces » après avoir fait son coming out à sa « communauté » sur les réseaux sociaux. « Ces attaques m’ont blessée plus que je ne l’aurais imaginé, confie-t-elle. Elles m’ont fait douter de moi-même, de ma valeur, de ma place dans ce monde. Je me suis sentie isolée, incomprise, et terriblement seule. Mais malgré tout, je ne regrette pas d’avoir été honnête. Parce que ce coming out, c’était avant tout pour moi. Une manière de me libérer du poids du silence ». Elle a désormais appris à se « protéger », à « s’entourer de personnes qui (la) soutiennent […], des gens qui (lui) ont tendu la main sans (la) juger ».
Ligne d’écoute SOS Homophobie (à certains horaires) : 01 48 06 42 41. Chat : sos-homophobie.org/chat
Ouest-France - Carine JANIN - Publié le 17/05/2025 à 07h15